Le professeur Stan Politis (GBS) en est fermement convaincu : contrairement à ce que laisse entendre le ministre Vandenbroucke dans les médias, son projet de loi-cadre lui donne bien le pouvoir de retirer le numéro INAMI d’un médecin. L’État souhaite également avoir accès aux dossiers médicaux pour vérifier si les médecins respectent les lignes directrices, révèle-t-il sur la base d’une note du Conseil général.

Le 3 juin, le ministre Vandenbroucke a fait une déclaration qui sème une profonde inquiétude parmi les médecins : « une amende administrative peut désormais être remplacée par la suspension du numéro INAMI ». Pour les médecins, cela constitue rien de moins qu’une menace existentielle. « Qui ne marche pas au pas perd son droit de travailler », avertit Stan Politis, président du GBS.
« Cette mesure n’est donc pas une simple sanction, c’est une interdiction professionnelle. L’État s’arroge le droit de faire taire un médecin, non via un tribunal, mais de manière administrative. C’est comme priver un homme politique de ses droits civiques sans procès », observe-t-il.
Dans le projet de la loi-cadre, tout cela semble inoffensif : « Le Roi peut fixer les modalités relatives à la délivrance, l’usage et le retrait du numéro INAMI... » Celui qui ne saisit pas le jargon n’y lit rien d’alarmant. « Mais les juristes, eux, comprennent bien l’implication : cela crée un levier permettant au pouvoir exécutif de faire pression sur des médecins individuellement, en dehors du cadre judiciaire classique. »
Le ministre balaie les critiques. Dans une interview parue le 16 juin dans Het Laatste Nieuws, il a déclaré : « C’est complètement insensé. Il serait tout de même scandaleux qu’un ministre puisse radier un médecin de sa propre initiative. » Et il a ajouté que cela ne concernerait que des fraudeurs systématiques ou des médecins souffrant de graves problèmes d’addiction.
« Corriger le comportement » du médecin
« C’est précisément ce matin-là que l’on mesure la valeur des paroles du ministre », déclare Politis. « Au Conseil général de l’INAMI, une note gouvernementale a été présentée aux membres, contenant une esquisse du futur cadre de mise en œuvre des soins efficients. Ce texte évoque la nécessité d’aider certains prestataires à “corriger leur comportement”. »
« Rien que ce vocabulaire — “corriger le comportement” — trahit le postulat de départ : le médecin y est vu comme un exécutant qu’il faut redresser. Non parce qu’il fraude ou nuit aux patients, mais parce qu’il ne suit pas rigoureusement les normes fixées par l’État. Et qui fixe ces normes ? Ni les groupes professionnels, ni les universités, mais l’État lui-même, via des instituts comme Sciensano, le KCE et Evikey. »
Notre médecine est respectée dans le monde entier. Non grâce aux normes de l’État, mais grâce à une liberté académique patiemment construite, à une culture scientifique critique et à un sens professionnel des responsabilités. « Les médecins continueront à se fonder sur des recommandations scientifiques. Mais pas sur leur interprétation politique », insiste Politis.
Le dossier médical global comme instrument de politique
« Dans la note, il est question d’audits, d’inspections, de contrôles individuels, de sanctions et de “bâtons derrière la porte”. Comme si cela ne suffisait pas, le document mentionne aussi la nécessité d’un “accès au dossier médical tenu par le prestataire de soins”. En une phrase, c’est ainsi le dernier bastion de confiance qui est détruit : la confidentialité entre médecin et patient. »
L’accès au dossier médical est inacceptable pour le président du GBS : « C’est le domaine sacré du patient. La dernière chose que nous devrions accepter, c’est une médecine d’État qui accède par la porte dérobée à des informations médicales personnelles. Cette intervention porte atteinte non seulement à l’autonomie du médecin, mais aussi aux droits fondamentaux du patient. »
C’est là, selon Stan Politis, le cœur du problème : il ne s’agit pas de fautes évidentes ou de facturations erronées. La seule « faute » est de s’écarter des lignes directrices de l’État : « Un médecin qui, pour prescrire un médicament, se base sur la littérature internationale ou des recommandations universitaires, mais s’écarte de la norme officielle, court un risque de sanction. »
« Pire qu’une médecine d’État »
« C’est pire qu’une médecine d’État classique dans laquelle l’État centralise les soins », poursuit-il. « C’est plus subtil, et donc plus dangereux. L’État maintient l’apparence d’une liberté de pratique, mais transforme le numéro INAMI en arme. Le message est clair : qui ne se conforme pas risque de perdre sa reconnaissance, son cabinet, sa profession. »
Cela ne concerne pas uniquement les médecins, mais aussi les patients. « Qui décidera demain de ce qu’est un traitement “efficient” ? « Et qu’adviendra-t-il de la vie privée si l’accès de l’État aux dossiers médicaux se banalise au nom du contrôle ?»
« Il faut juger un homme à ses actes, non à ses paroles »
Le système de santé belge figure parmi les meilleurs au monde grâce à une culture de liberté médicale, de pratique fondée sur les données probantes et de confiance entre médecin et patient. Cette confiance disparaît lorsque les soignants doivent exercer sous menace, affirme Politis.
Si cette mesure est adoptée, cela constituerait une rupture fondamentale avec cette tradition. « Nous entrerions alors dans un système où les décideurs politiques fixent qui peut traiter, comment, et sur quelle base, avec le numéro INAMI comme levier de pression. C’est tout simplement dangereux. En tant que médecin, il y aurait de quoi descendre dans la rue. »
Stan Politis conclut par un vieux proverbe : « Il faut juger un homme à ses actes, non à ses paroles. » Une maxime, prévient-il, plus que jamais d’actualité s’agissant de Frank Vandenbroucke.
Diapositive 28 de la présentation PowerPoint "Loi de réforme des soins de santé" du cabinet Vandenbroucke.(Traduction)
Extrait de la note "ARGVCGSS_2025_037 annexe" : Exercice stratégique sur l’efficience à l’INAMI - page 4.(Traduction)