Le Conseil Supérieur désavoue la réforme Vandenbroucke : « Une menace pour notre système de soins »

Dans un avis urgent rendu public le 15 juillet, le Conseil Supérieur des Indépendants et des PME formule de vives critiques à l’encontre de l’avant-projet de loi-cadre du ministre de la Santé publique. Plafonnement jugé inéquitable des suppléments d’honoraires, menace sur la liberté de conventionnement, sanctions disproportionnées.

Le Conseil Supérieur désavoue la réforme Vandenbroucke : « Une menace pour notre système de soins »
2025-07-17

 Selon le Conseil, le texte fragilise à la fois les prestataires, les patients et le modèle de concertation au cœur du système belge.

L’avis, auquel Le Spécialiste et Medi-Sphère ont pu avoir accès, se montre particulièrement critique à l’égard du texte. Le Conseil Supérieur souscrit certes à l’objectif affiché – garantir des soins de qualité accessibles à tous – et se dit prêt à y contribuer. Il estime toutefois qu’en l’état, l’avant-projet de loi n’atteindra pas cet objectif, bien au contraire. Il relève également que plusieurs professions paramédicales ne sont pas citées dans le texte, ce qui crée de l’insécurité juridique.

Concernant spécifiquement les médecins, le texte introduit un plafonnement des suppléments d’honoraires à 25 % pour les prestations ambulatoires, et à 125 % pour les soins dispensés à un bénéficiaire hospitalisé.

Des plafonds inéquitables, la liberté professionnelle en question

Selon le Conseil Supérieur, ces plafonds ignorent les disparités de coûts entre spécialités. De nombreuses prestations sont actuellement insuffisamment couvertes par la nomenclature de l’assurance obligatoire soins de santé. Les suppléments sont dès lors nécessaires, par exemple pour l’acquisition de matériel de qualité ou le financement de personnel administratif. L’avis met aussi en garde contre un transfert des soins ambulatoires vers l’hôpital, avec pour effet des délais d’attente prolongés.

Le Conseil juge en outre contre-productif de traiter isolément la question des suppléments d’honoraires sans réforme préalable de la nomenclature et du financement hospitalier. « Il est indispensable de mener d’abord les réformes de la nomenclature et du financement des hôpitaux avant de définir une limitation des suppléments d’honoraires. »

Il considère également qu’un plafonnement uniforme à 25 % pour toutes les prestations ambulatoires, quelle que soit la spécialité concernée, est une mesure inéquitable, déconnectée de la réalité du terrain. Pour certaines spécialités, une telle mesure aurait un impact très lourd. En outre, l’écart entre les plafonds ambulatoires et hospitaliers (25 % contre 125 %) risque d’inciter à un glissement vers les hôpitaux, accentuant la pression sur des établissements déjà en sous-effectif.

Conventionnement partiel : un enjeu d’équilibre

Le Conseil Supérieur constate avec satisfaction que l’interdiction initialement prévue d’opter pour un conventionnement partiel a été retirée du texte. Il rappelle que cette modalité relève de la liberté professionnelle et permet une flexibilité indispensable, notamment pour les praticiens exerçant à la fois en hôpital et en cabinet privé.

Il rejette cependant la limitation prévue dans la dernière version de l’avant-projet, à savoir deux jours par semaine et 40 % des prestations au maximum pour des honoraires non conventionnés. Cette restriction nuit à la liberté de choix du prestataire et n’apporte pas plus de clarté au patient.

Le Conseil plaide pour que le conventionnement partiel soit ouvert à toutes les professions de soins, ce qui n’est pas le cas actuellement : les professions paramédicales comme les kinésithérapeutes ou les logopèdes n’y ont pas accès.

Un modèle de concertation menacé

L’avant-projet remet aussi en question le modèle de concertation structuré qui prévaut dans les soins de santé en Belgique entre l’INAMI, les mutualités et les prestataires. Il octroierait davantage de pouvoir aux autorités, tant sur la fixation du budget que sur la conclusion des accords avec les prestataires.

Le Conseil insiste sur l’importance de préserver ce cadre de dialogue qui a permis, jusqu’ici, une certaine stabilité. Il rappelle également que plusieurs organes de concertation spécifiques aux secteurs concernés existent et doivent être associés à toute réforme structurelle.

Financement des organisations professionnelles

L’avant-projet prévoit de lier une partie du financement des organisations professionnelles représentatives au taux de conventionnement de leurs membres. Un dispositif jugé inacceptable par le Conseil Supérieur, car il reviendrait à exercer une pression indirecte sur ces organisations pour inciter leurs membres à se conventionner, ce qui n’est pas leur rôle. Les prestataires doivent pouvoir choisir librement de se conventionner ou non.

Suspension du numéro INAMI : une sanction disproportionnée

Le texte prévoit la possibilité de suspendre le numéro INAMI d’un prestataire pour une durée maximale de deux ans lorsque le montant des prestations litigieuses dépasse 35 000 euros. Une mesure qualifiée de très lourde par le Conseil, qui estime qu’elle doit être strictement encadrée et proportionnée à la gravité des faits.

Il regrette qu’aucune disposition du texte ne prévoit une telle proportionnalité. Il s’interroge également sur l’absence de référence à l’Ordre des médecins, alors même que celui-ci est l’organe compétent en matière disciplinaire. Le Conseil plaide d’ailleurs pour la mise en place d’organes de contrôle comparables pour les autres professions de santé.

Un avis globalement négatif

Le Conseil Supérieur émet un avis négatif sur l’avant-projet de loi-cadre. Il estime que la liberté d’exercice inhérente aux professions libérales de santé et le modèle de concertation propre au secteur sont remis en cause. Il appelle à davantage de clarté sur le champ d’application, à une réforme cohérente et préalable de la nomenclature et du financement hospitalier, au respect de la diversité des pratiques, à une liberté réelle pour le conventionnement, et à des garanties procédurales strictes en matière de sanctions.

L’avis a été transmis au Premier ministre Bart De Wever, au ministre des Affaires sociales et de la Santé publique  Frank Vandenbroucke, au ministre de l’Économie et du Travail David Clarinval, ainsi qu’à la ministre des Indépendants et des PME Éléonore Simonet. Les députés de la majorité membres de la Commission Santé et Égalité des chances de la Chambre en ont également été destinataires.

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Source: Le Spécialiste®